89. Week-end de permission.

Publié le 13/08/2022 à 23:29 par le-spermatozozo-ide Tags : sur cheval bonne moi chez homme musique maison centre air sourire film livre

Effectivement, des MP il y en avait un peu partout. Circulant en Jeep dans toute la citée ou en binôme, à pied, partout dans la gare de Namur et ses environs. Malheur à celui qui faisait le mariole ou quittait son couvre-chef. Enfin, de couvre-chef, le képi ou le béret n'en avaient rien que le nom car on était encore loin, très loin, d'être un chef. Ils ( les képis rouges ) se devaient de faire peur aux pauvres bidasses et ceux-ci n'avaient qu'une idée, ; leur échapper au plus vite en prenant le train qui les éloignerait au plus vite de ce danger potentiel. Et même dans le train, en se penchant un peu par la fenêtre abaissée, personne ne tentait le geste sot de leur faire un doigt d'honneur. Qui sait l'autorité qu'ils pouvaient avoir tant que les portes ne seraient pas fermées et le train toujours à quai.



« Gare de Dinant ! » Au bout de trois quart d'heures d'omnibus. Il n'y avait que trente kilomètres qui me séparaient de la ville de garnison. À pied bien sûr et l'air un peu pataud, engoncé dans mon uniforme tout neuf, je me mis en route pour rejoindre le garage où je vivais dans l’insouciance jusqu'il y a peu encore. Une petite marche de deux kilomètres qui ne devait pas effrayer un militaire.



Ça ne devait pas rater ! Au passage à niveau de Bouvignes, positionnés sur le parking du petit café bordant les voies, ''un routier'' comme il en existait encore quelques uns en Belgique à cette époque, deux motards de la Gendarmerie observaient la circulation comme c'était souvent leur habitude. Appuyés sur leurs grosses Harley Davidson bleue, ils attendaient le contrevenant. Arrivé à leur hauteur, je fis le plus beau salut militaire, un peu guindé peut-être, auquel ils répondirent avec un petit sourire. Il y avait un peu de fierté dans l'air et je sentais que je prenais mon futur rôle au sérieux.



Arrivé à la maison, après les embrassades habituelles, je fus bombardé de questions sur cette première semaine sous les drapeaux. J'avais effectivement de nombreuses choses à raconter et cela continua durant le souper et une bonne partie de la soirée. J'étais, pour une fois, le centre d'intérêt de la famille et me sentais de ce fait un peu plus important. Je dois dire que j'ai rapidement quitté mon Service Dress inconfortable après avoir été examiné néanmoins sous toutes les coutures. Dès que ma mère appris que j'avais déjà perçu mon traitement, elle ne rata pas l'occasion de me réclamer 500 francs pour les frais que je pourrai leur occasionner durant mes quelques jours de présence à la maison familiale. Une vieille habitude qu'elle ne perdait pas de vue. Je payais comme à l'hôtel ainsi la location de ma chambre comme je le faisais auparavant avec la totalité de mon maigre pécule d'apprenti mécanicien.



Je sentais un peu de nostalgie chez mon père ; lui qui avait toujours voulut entrer sous les armes et qui par trois fois avait été refusé pour cause médicale ( il était ...soit disant trop maigre ! ). Pour ma part, à ce moment, je pesais 55 kg pour 1m68 ... allez savoir !!!

Je me souviens qu'à un moment, il a fait partie de la protection civile en tant que volontaire. Je me souviens vaguement qu'il assistait pour cela à des cours et lorsqu'il rentrait, il calculait comment suivre un nuage radioactif et l'endroit de ses retombées. Il utilisait une règle ''Radiac'' ; que bien plus tard j'allais moi-même utiliser. L'uniforme lui manquait sans doute. Mais je crois qu'il n'a pas été jusqu'au bout de sa formation. Pourquoi ? Un échec ! Ma mère ! Difficile de savoir car il n'était pas très causant.



Il fallait que je profite de mon week-end au maximum car il allait être court. En effet, il me fallait reprendre le train le dimanche soir pour rentrer à la caserne avant vingt-deux heures. Comme je ne fréquentais pas les tavernes, comme je n'avais pas encore de petite amie à qui compter fleurette, comme mon unique copain avait d'autres choses à faire, comme il faisait froid en ce mois d'avril, il me restait à écouter ma musique préférée et lire un livre policier – on ne disait pas ''thriller'' à l'époque. En ce premier week-end de permission, je me refaisais au calme le film de la semaine passée en songeant « Ais-je fait le bon choix ? »



Trop tard mon vieux ! Les dés sont jetés. Mords sur ta chique et ne fais pas ton mollasson. Montre que t'es un homme ! Quoi merde ! T'as bientôt 19 ans. Majeur et super vacciné depuis quelques mois. Tout ira mieux lorsque tu seras dans ton unité de Chasseurs à cheval.



Donc, le dimanche en soirée, je fis mes adieux à la family, enfilais mon costard qui grattouille un peu, ma chemise empesée, serrais le nœud de ma cravate et repris le chemin de la gare sûrement pas en sifflotant. En route pour de nouvelles aventures ! Retrouver mes troufions de chambrée en espérant ne pas trop nous faire chambrer par notre instructeur le lendemain.